A quand l’ouverture de centres de prévention pour la santé des dirigeants non-salariés ? - Le blog BATIMENT de FIMECO

Par Jean-Michel Laidin, associé Fimeco Walter France

La médecine du travail et les visites obligatoires existent depuis plusieurs dizaines d’années… pour les salariés. A notre sens il serait temps de prévoir des centres de prévention également pour les chefs d’entreprise.

En effet, les dirigeants d’entreprise non-salariés (TNS) sont soumis à de nombreux facteurs de stress et d’anxiété :

La pandémie actuelle est anxiogène

Activité au ralenti, problèmes de trésorerie, chômage partiel, incertitude sur l’avenir, tous les ingrédients du stress sont au rendez-vous. Et pas seulement pour les activités directement touchées par les confinements et les fermetures, mais également pour tous les secteurs qui en dépendent ; par exemple, pour la restauration, les entreprises d’entretien des installations de cuisine sont, de fait, à l’arrêt total.

Mais même sans la Covid-19, les dirigeants du bâtiment ont de nombreuses raisons de ne pas être sereins :

Les problèmes de recrutement et de turn-over

Trouver des salariés compétents et les fidéliser est un problème récurrent pour les entreprises du BTP (lire notre article sur le sujet). Un salarié est capable de partir du jour au lendemain pour 100 euros de plus. Pour lutter contre le turn-over, les patrons doivent « lâcher » du salaire (risque de baisse de la rentabilité), et faire des efforts sur tous les aspects non financiers de la vie de son ouvrier : sécurité, horaires, etc.

L’instabilité réglementaire

Toutes sortes de labels et certifications ont été mis en place ces dernières années : RGE, QUALIBAT, QUALIT’ENR, ECOARTISAN… Les entreprises du bâtiment sont incitées à y adhérer, mais pour cela elles doivent non seulement payer, mais y passer du temps, pour un label, un stage, ou une certification ; il faut ensuite re-payer pour le renouvellement de la certification…

Autre source d’anxiété : les crédits d’impôts accordés pour la rénovation de bâtiments sous réserve d’être labellisés. Reconnu par l’Etat, le label RGE par exemple est indispensable pour l’obtention de certaines aides comme l’Eco-prêt à taux zéro, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, les aides de l’ANAH ou encore la prime CEE. Pour décrocher ce label, les entreprises du BTP doivent remplir certains critères dans la réalisation de travaux d’économie d’énergie.

Sans parler de la pléthore de textes réglementant l’urbanisme et de normes pour l’isolation thermique, entre autres.

Toutes ces contraintes sont très consommatrices d’énergie pour les TNS, qui peuvent s’épuiser psychologiquement.

Une cellule d’écoute existe mais que pour les cas extrêmes

L’APESA (Aide Psychologique pour les Entrepreneurs en Souffrance Aiguë) a été créée à l’origine par un greffier du tribunal de commerce de Saintes qui constatait à quel point les entrepreneurs qui « passaient » au tribunal repartaient effondrés, totalement démunis, sans aucune aide, dans une situation de détresse telle qu’elle pouvait les conduire au suicide. L’APESA détecte les chefs d’entreprise en détresse et prend en charge 5 séances avec un psychologue spécialement formé.

C’est à l’APESA que le ministère de l’Economie a fait appel en avril 2020 pour créer son numéro vert (0805 65 50 50).

Cette initiative est remarquable, mais elle n’est pas suffisante.

La création de centres dédiés à la prévention pour les TNS devrait être prioritaire et systématique

Dans certaines régions, une application expérimentale permet une relation plus interactive entre les salariés et la médecine du travail. L’idée est excellente et pourrait être reprise, adaptée et développée pour les TNS.

Ceux-ci n’ont pas les mêmes besoins que les salariés : ils ont aussi besoin d’échanges. Un parcours de prévention spécifique pourrait être mis en place, qui permettrait de les aider en amont à surmonter leur stress intense et leur anxiété, sources de mal-être, voire de dépression, et de les accompagner pour retrouver un minimum de sérénité.

La création de tels centres est, selon nous, une priorité absolue, encore plus urgente dans la période actuelle.